LA TERRE, LA MER ET LE SEL
Lieu
Strasbourg
Dates
Prix
– du 8 avril au 18 mai 2025
– du mardi au dimanche de 14h à 18h
Artistes :
Klitsa Antoniou (Chypre)
Ruth Bianco (Malte)
Lama El Charif (Liban)
Souad El Maysour (France, Maroc)
Mimiko Türkkan (Turquie)
Nora Zaïr (Algérie)
Exposition proposée par Apollonia, échanges artistiques européens dans le cadre du Festival Arsmondo Méditerranée de l’Opéra national du Rhin
Mare Nostrum, symbole de nos racines et cultures originelles, est au cœur de nos histoires communes, faites d’amour et de haine. La Méditerranée, mer au milieu des terres, a toujours été le théâtre de confrontations tragiques, mais aussi le décor des épopées héroïques des peuples qui l’entourent.
Des artistes issus de ces pays interrogent leur identité plurielle, nourrie de récits extraordinaires. D’autres s’alarment de l’état préoccupant de cette mer et du bouleversement de son fragile écosystème. Certains encore mettent en lumière les flux migratoires et les aspirations humaines, questionnant l’impact de ces réalités sur notre humanité.
Phéniciens, Grecs et Romains sillonnèrent inlassablement cette mer, tissant des liens culturels et économiques solides. De nombreuses villes furent édifiées, révélant des influences croisées et des inspirations partagées.
Des clichés historiques, pris par des photographes nomades installés à Chypre au XIXe siècle et exposés ici, témoignent de ce foisonnement et de ces échanges fructueux.
Mais derrière cette façade idyllique, il serait impossible d’occulter les heures sombres de l’esclavage et de la colonisation. La mer fut aussi un tombeau pour des milliers de personnes, tandis que le sel devenait la monnaie d’échange des esclaves.
Ruth Bianco et Lama El Charif s’emparent de ces questions de migration, de déplacements forcés et d’exils, provoqués par les guerres et les conflits armés. Ruth Bianco, à travers les témoignages de Maryan et de sa fille Rahma, met en lumière le périple souvent tragique des migrants et pose la question complexe de la territorialité, de la frontière marine et de sa matérialisation.
Lama El Charif investit l’espace d’exposition avec des objets fixés au sol et aux murs, évoquant à la fois le vide laissé par les disparus et l’angoisse de ceux qui, contraints de partir, ignorent ce qu’ils trouveront dans leur terre d’accueil. Cette incertitude, cet effacement progressif de leur place et de leur espace, conduisent inévitablement à une disparition de la mémoire.
C’est justement contre cette érosion de la mémoire que Souad El Maysour mène un travail artistique engagé. Elle interroge l’oubli de l’esclavage et, plus largement, les systèmes de domination dont les femmes ont toujours payé – et paient encore – un lourd tribut.
Terres disputées, partagées dans la douleur et souvent détruites… C’est en mettant son propre corps en scène, dans une performance dramatique, que Mimiko Türkkan dénonce la course au profit et l’activité humaine comme moteurs de la destruction irréversible de notre planète.
Mais cette dévastation ne touche pas que les terres. Elle frappe aussi la mer et son écosystème d’une extrême fragilité. La Méditerranée suffoque sous l’effet du réchauffement climatique, envahie par une faune exotique proliférante. Ce phénomène est au centre de l’installation de Klitsa Antoniou.
Où est donc passée cette entente multiculturelle tant rêvée ?
Nora Zaïr s’efforce d’en esquisser les contours avec sa série Algerian Girls, une démonstration vibrante de la diversité culturelle de son pays méditerranéen.
Et cette grande photo de famille des Méditerranéens réunis… n’est-elle qu’une utopie ?
Michelangelo Pistoletto avait magnifiquement illustré cette possibilité d’harmonie et de convivialité avec son œuvre Love Difference Table : une table-miroir en forme de Méditerranée, présentée par Apollonia à Strasbourg* en 2008. L’image de la table renvoie à une coutume ancestrale, encore vivante dans de nombreux pays méditerranéens : celle de dresser la table dominicale en réservant une place vide pour l’étranger, cet invité du passage. Je me souviens de ma mère, qui tenait cette habitude de sa propre mère : poser un couvert devant une chaise vide, toujours prête pour un inconnu.
Notre Méditerranée dont nous rêvons, c’est cette table commune, cet espace partagé où l’on se retrouve, régulièrement, autour d’un repas convivial. Une mer ouverte, accueillante, prête à tendre la main à celui qui vient d’ailleurs.
Dimitri Konstantinidis, commissaire de l’exposition
Strasbourg, mars 2025
* Une exposition de Michelangelo Pistoletto « Je est un autre » a été présentée à l’Espace Apollonia, accompagnée du colloque « Dialogue interculturel : utopies et situations » au Palais du Rhin de Strasbourg, qui avait réuni de nombreux acteurs culturels internationaux. C’est ainsi, autour de cette œuvre majeure de Michelangelo Pistoletto, la table-miroir à la forme de la Méditerranée, qu’a vu le jour le Parlement Culturel Méditerranéen.
du mardi au dimanche de 14h à 18h
- Tram E – arrêt Robertsau – Boecklin
- Bus L6 et 72 – Arrêt Boecklin